12 février 2010

Modélisation et approches plurielles:mise en perspective dans trois situations

3 et 4 décembre 2009.
Colloque Ingenium.
Les pratiques de modélisation dans les activités des ingénieurs.
Alain Jeannel:
"Modélisation et approches plurielles:
mise en perspective dans trois situations."
Diaporama de la conférence: modélisation 4 11 9
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A quelle situation se trouve confronté le professionnel qui participe à un projet de conception d’une production?
Il est confronté aux approches plurielles des différents acteurs qui participent à l’action envisagée. Pour que sa collaboration garde sa spécificité, qu’elle ne soit pas diluée dans le projet global, elle doit avoir un mode de présentation matérielle qui informe les autres acteurs des résultats de son analyse spécifique. La présentation formelle de cette information nécessite une réflexion sur sa construction. La finalité en est la traduction d’une conception spécifique du projet qui puisse être accessible à des acteurs qui possèdent d’autres références et d’autre finalité, sans altérer la valeur épistémologique du projet. La résolution de ce problème consiste à définir une méthode où chaque acteur rend compréhensible sa résolution aux autres dont les intérêts et les approches scientifiques différent. Cette méthode doit répondre aux impératifs d’une représentation heuristique incluant les références épistémologiques et l’interprétation des termes scientifiques, elle a pour objectifs d’une part la circulation d’informations dont il s’agit de choisir le support et d’autre part une situation de communication permettant la confrontation des différentes propositions.
La traduction d’un langage spécifique dans un langage partagé par l’ensemble des acteurs du projet s’appuie sur les fonctions conatives et descriptives qui servent à construire l’information et sur la fonction argumentative permettant de présenter et de comparer les propositions et les explications relatives au projet global. Ce langage partagé fait appel aux processus cognitifs des membres de la conception du projet, il nécessite que le système de signes fasse partie d’un savoir commun et que sa charge informative soit de l’ordre de la communication et non de l’instruction, soit un système ouvert et non un système fermé. Pour résoudre ce problème, le professionnel construit une représentation de sa proposition dans un système commun à l’ensemble des membres participant au projet global. Il modélise son approche heuristique et singulière du projet global. Les différents modèles produits par les professionnels parties prenantes du projet global sont des médiateurs entre le champ de chaque acteur et la modélisation du projet global.
Cette problématique montre l’intérêt que les sciences traitant de la transmission des connaissances et de l’éducation ont apporté à la modélisation des activités pédagogiques et didactiques, en convoquant les sciences de l’information, de la psychologie cognitive, de la sociologie et de l’anthropologie. L’étude de ces processus et ceux qui se manifestent dans d’autres activités permettent de mettre en évidence trois types de modélisation : modélisation pervertie, modélisation intégrée et modélisation dans l’action.
Une modélisation pervertie. Une modélisation intégrée.
La modélisation d’un système d’enseignement peut être pervertie quand une injonction institutionnelle et politique introduit la production industrielle de séries d’une économie de marché dans l’enseignement.
La majorité des déterminants de l’utilisation d’une machine sont des facteurs indépendants de l’enseignement visé qui se traduisent en actes mineurs perturbant l’acquisition d’une connaissance (exemple, les micro-pannes) et imposent des taches techniques (dans le cas de l’ordinateur, la bureautique) qui n’ont aucun rapport avec l’objectif didactique. La charge psychique (J.D. Vincent) du travail posté s’ajoute implicitement à celles explicites des rapports de l’enseigné au savoir, de l’enseignant au savoir, et des interrelations enseignés/enseignants/administration. Ce constat pose le problème de l’écart existant entre d’une part une modélisation technique faite pour la production industrielle de séries d’objets matériels et d’autre part la modélisation d’une action qui s’attache au développement cognitif des générations dont les modélisations didactiques et pédagogiques rendent compte.
Dans cette situation de travail posté, quels sont les champs des pratiques mises en œuvre?
La discipline académique visée définit un champ cognitif dont les modélisations font partie des sciences de l’homme ; l’apprentissage du travail posté trouve son expression contemporaine dans des modélisations techniques issues des sciences de l’ingénieur et des sciences de la gestion ; l’étude de la place de cette industrie et de ses effets dans la vie politique, économique, sociale et quotidienne du citoyen lie les situations d’enseignement à l’économie du développement industriel, modélisation propre aux sciences politiques, économiques et juridiques.
La mise en commun dans un projet global nécessite que les acteurs de chacun de ces trois champs puissent avoir accès à une présentation formelle du chaque projet spécifique. Pour qu’il existe une approche plurielle, la diffusion des informations entre les parties se réfère à un système de code commun au sein duquel les acteurs de chaque champ représentent la modélisation de leur approche. L’industrialisation de l’enseignement s’appuie aussi sur un système industriel et économique déterminé qu’il s’agit de distinguer de l’enseignement. Ce constat nécessite l’étude de deux domaines : celui de l’acquisition des connaissances et celui de l’économie d’un système de production industrielle. Les modélisations des deux systèmes ont eu des interprétations politiques divergentes soit que les modèles soient considérés comme distincts soit que l’un des modèles se substitue à l’autre ; l’histoire est riche de ces tentatives où le faire technologique est considéré comme le modèle de l’enseignement et elle en évalue le coût pour l’humanité. La résistance de l’humanité à ce choix pour l’enseignement met en évidence que l’industrialisation traite de matériaux et que l’enseignement parle des hommes et des femmes : confondre l’homme et un matériau, c’est reconnaître que les hommes peuvent être identiques ce que la biologie invalide dans ses résultats les plus récents, ce que des œuvres scientifiques et culturelles de la seconde moitié du XXème siècle dénoncent en soulignant le risque d’amalgames entre les modélisations techniciennes et les activités humaines dont l’enseignement fait partie. Dans ce cas, la modélisation de l’enseignement se trouve pervertie par la modélisation de la production industrielle dans un système économique donné et entraîne la confusion entre les trois champs cognition, adaptation et citoyenneté au profit d’un seul, en pervertissant en un seul système les modélisations pédagogiques et didactiques d’une discipline, d’un travail posté et celles de la citoyenneté.
Cette pluralité des approches existe au sein même de la production industrielle dans le projet global de conception d’un produit matériel, d’un matériau.
La place du design dans la production industrielle en est un exemple. « Le design organisationnel tout comme celui du changement organisationnel forme des objets d’études pluridisciplinaires, puisqu’abordés par les sciences humaines, de gestion, science économique et de l’ingénieur pour ne citer que cela.» (S.Minel, O.Zephir, Cl.Perroti, 2008).Le design dans son objectif de rendre possible la communication entre les quatre fonctions d’une entreprise, industrielle, recherche et développement marketing et commercial plonge ses racines dans une réflexion sur les systèmes d’information et de communication et sur les capacités cognitives d’acteurs aux cultures et aux enjeux distincts concourant à la réalisation d’un projet global de conception d’un produit matériel. La force de la démarche design est de créer une dynamique entre des professionnels dont les cultures et les références théoriques sont distinctes. Soit le responsable du design organisationnel donne les clefs du code du système d’information à chaque secteur, soit il produit avec chaque acteur cette modélisation, il instaure un dialogue entre les secteurs concernés par l’échange des modélisations produites et par l’animation du réseau créé en vue de la définition d’une architecture du projet de conception du produit qui sera modélisé dans un cahier des charges. Chaque secteur produit son propre modèle : la technologie son savoir faire, ses capacités techniques ; les composants, son analyse des matériaux ; le marché, son étude des concurrences, des marges ; la législation, son approche réglementaire des brevets, des impacts environnementaux et des effets collatéraux ; les usages et les valeurs en fonction du client ; la culture représentant les valeurs esthétiques, sociales. Autant de champs que la conception d’un projet de production met en œuvre, autant de champs disciplinaires différents dont le design doit trouver un modèle d’expression commun sans que les impératifs de chaque champ soient banalisés. La modélisation est intégrée dans la préparation de la prise de décision, En créant une base de données sur le produit qui guide la rédaction du cahier des charges du projet global, elle s’intègre dans le système d’information et de management de l’entreprise, « processus mobilisant les compétences internes à l’entreprise et des ressources externes. Savoir manager et faire aboutir un tel projet constitue la vraie compétence design de l’entreprise » (P. Le Roux, 2009).
Dans les cas que nous avons étudiés, les modélisations soit permettent de détecter les dangers d’une perversion d’un modèle par un autre modèle au sein d’un système d’enseignement public soit sont au service d’une production interne, dans ces deux études de cas ces modélisations sont utilisées dans des systèmes fermés. La troisième étude met en scène les nécessaires modélisations dans la réalisation dynamique d’un projet ouvert qui conduit à une dynamique de la décision et de l’action dont les acteurs sont du domaine public et d’autres acteurs, des professionnels d’une activité libérale.
Une modélisation dans l'action.
Le préambule du schéma régional médico-social d’addictologie présente la finalité : « Mieux organiser l’accès de tous à une gamme de services en addictologie lisible et de qualité dans chaque territoire de la Région constitue l’enjeu majeur de ce schéma » Le chef de projet a pour référence pour mettre en œuvre les centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) la circulaire DGS/MC2/2008/79 du 24 janvier 2008 : « l’article L.312-5 du code d’action sociale et des familles (CASF) prévoit que le représentant de l’Etat dans la Région arrête le schéma régional relatif aux CASPA. Dans la mesure où le dispositif de prise en charge en addictologie ne saurait se réduire aux CASPA, ce schéma devra porter sur tout le dispositif médico-social en articulation avec la dispositif hospitalier et la ville et il est dénommé schéma régional médico-social d’addictologie.»
Un lieu d’échange et d’information entre les secteurs sanitaires, médico social, associatif et la médecine de ville constitue la commission Régionale Addictions Aquitaine. Les personnalités qualifiées et les représentants institutionnels de ces différents secteurs se distinguent les uns des autres par leur statut, leur qualification professionnelle et les enjeux que représente cette politique pour leur domaine.
Nous notons :
- Des fonctionnaires de l’Etat, des collectivités territoriales, de la fonction publique hospitalière, des employés de droit privé avec convention collective, des représentants de professions libérales, des usagers de toutes origines professionnelles et concernés par le domaine ciblé.
- Des qualifications professionnelles recoupant des disciplines universitaires novatrices à dominantes médicales, démographiques et sociologiques, des qualifications administratives, des praticiens de terrain, des usagers.
- Des enjeux distincts suivant la place qu’occupe chaque représentant dans la distribution des ressources disponibles.
Le fonctionnaire d’un service déconcentré de l’Etat (Direction régionale des affaires sanitaires et sociales) a la responsabilité de piloter le bureau qui réunit des représentants de chaque partie concernée dont les objectifs sont de déterminer le processus d’élaboration du schéma et d’assurer le suivi, d’organiser les réunions et de participer à l’examen des résultats , de préparer les documents de travail à l’attention de la Commission Régionale Addictions d’Aquitaine( CRAA), d’évaluer l’impact des actions conduites dans ce cadre.
Pour ce faire des groupes thématiques sont organisés constituant le socle de l’objectif portant sur la prévention, les articulations traitant des rapports entre le sanitaire, le médico social et ville, les publics spécifiques, les formations, les indicateurs de suivi et l’évaluation du projet produit, la communication et annuaires des acteurs c'est-à-dire du schéma; trois phases sont mises en œuvre : état des lieux analyse et synthèse détermination des orientations, écriture et validation du schéma, adoption du schéma par le responsable désigné par la circulaire, le Préfet après avis du Comité Régional de l’Organisation Sociale et Médico Social.
Pour apprécier la nature, le niveau et l’évolution des consommations de substances psycho actives des aquitains et leur retentissement sur la santé un état des lieux des études exploitables et des données disponibles a été réalisé à partir des différentes sources émanant essentiellement de l’office français des drogues et toxicomanies (OFDT), de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), de l’assurance maladie et de la fédération nationale des observatoires nationaux de la santé (FNORS). Le chef de projet doit modéliser l’ensemble de ces informations pour qu’il y ait un partage entre les différents partenaires. Il s’appuie pour la modélisation de cette synthèse sur l’observatoire régional de la santé en Aquitaine qui rédige des formes de fiches Alcool, tabac et autres drogues.
Les étapes de cette modélisation.
Cette première modélisation présente le problème évoqué dans son contexte national, les faits marquants de la situation départementale et régionale et des indicateurs permettant de comparer les résultats du département et de la région, non seulement à la moyenne nationale mais aussi aux valeurs départementales et régionales extrêmes. La base de cette modélisation est le choix de l’indicateur qui mesure en fonction des caractéristiques suivantes : possibilité de l’enregistrer et de l’analyser qualitativement et quantitativement ; le suivi quantitatif doit indiquer les changements statistiquement significatifs ; être défini et mesuré de la même manière pour tout le monde ; être uniforme et stable : ne pas changer dans le temps ; être utilisable par un large éventail de participants. Le choix de cet indicateur et son partage est nécessaire à la compréhension par tous de cette modélisation. Il s’agit donc d’une représentation lisible par tous par le fait qu’elle possède un code commun de cette sémiologie graphique : le choix est fait d’une présentation cartographique commentée qui fait partie de la culture des participants. De même la modélisation des lieux de ressources d’addictologie en Aquitaine s’opère avec la même procédure ; dans ce cas, si la modélisation obéit aux mêmes normes que précédemment, les participants se trouve engagés en tant qu’acteurs dont les positions doivent apparaître dans les commentaires pour mettre en convergence les intérêts de chacun: moment rédactionnel d'une seconde modélisation qui fait état des négociations qui permettent l’élaboration d’un système commun de la représentation des différentes institutions, administrations structures concernées.
Cet état des lieux met en évidence une multiplicité de dispositifs et de compétences sur le plan sanitaire et médico-social. Cette diversité de l’offre de prise en charge constitue une richesse qui doit être conservée et renforcée dans la mesure où elle se développe de manière harmonieuse, complémentaire et coordonnée. La mise en œuvre de la réforme CSAPA doit permettre de concrétiser un réel rapprochement entre ces structures alcool, tabac et toxicomanies qui sont pour la plupart centrées sur l’approche par produits, alcool, tabac ou drogues illicites. Cependant, l’évolution des modes de consommations et en particulier les poly consommations, le passage d’une dépendance à une autre ont incité à un rapprochement des pratiques des professionnels de l’alcoologie, de la tabaccologie et de la toxicomanie. Les données des neurosciences et de la sociologie ont aussi favorisé l’émergence d’une nouvelle discipline l’addictologie. Dans cette seconde étape, vont être confrontés les modes de pratiques mis en place et la modélisation scientifique de cette discipline. La finalité de la nouvelle structure est de développer des coopérations explicites avec l’ensemble des structures composant la filière de soins en addictologie. De fait, le chef de projet construit une modélisation des deux entrées de la question, l’une représente une synthèse des pratiques dont l’approche est par types de produits et l’autre dont la formalisation est basée sur la recherche scientifique en neurosciences et en sociologie. Le but en est de favoriser le passage d’une pratique qui différencie les consommations de substances psycho actives à une approche globale, médico-psycho-socio-éducative et donc inter disciplinaire, insérée dans un territoire de santé et assurant un soutien des personnes au long cours. La synthèse des modélisations successives d’un système médico-social rend compte de son évolution et de la transmission des nouvelles connaissances, de la compréhension des conflits liés à la modification des structures dans un cadre réglementaire et donne les indicateurs qui en permettent la mise en œuvre.
Cette seconde étape de la production d’une modélisation se distingue de la première qui se base sur un code commun et sur une connaissance de l’existant, cette seconde étape nécessite débat et échange entre les différents partenaires , pour acquérir des connaissances académiques communes ici les modèles de deux systèmes disciplinaires différents, pour s’inscrire dans une nouvelle démarche sans que les expériences précédentes soient déniées, pour comprendre les ressources qui seront attribuées pour mettre en place la réforme. La confrontation des modèles en présence et en dissensus modélise les grands axes de la modification cognitive, de l’évolution des comportements et de la restructuration du territoire. Le passage de cette modélisation co-construite à des modes d’action consiste à mettre en œuvre des axes stratégiques dans lesquels cette modélisation est la base:
- Organiser l’accès à une gamme de services en addictologie, lisible et de qualité, dans chaque territoire de la région par la mise en œuvre de la réforme CSAPA,
- Développer le repérage précoce des usages nocifs de substances psycho actives dans une perspective d’intervention précoce.
- Garantir aux usagers engagés dans des pratiques à risques, un accompagnement visant à réduire les dommages associés à ces pratiques
- Offrir des solutions d’hébergement adaptées de type social, médico-social, sanitaire, équitablement réparties sur l’ensemble de la région
- Développer des actions de prévention globales et intégrées sur les territoires de santé
- Promouvoir les formations initiales et continues en addictologie
- Contribuer à l’observation des pratiques addictives, à la veille sanitaire dans la région et à l’évaluation de modalités de prise en charge
- Accompagner la mise en œuvre, le suivi et la communication du schéma.
La modélisation est un processus évolutif dans l'action.
Cette modélisation évolutive a pour fonction de permettre la définition d’axes à partir d’une co-formation dont le sens est une lisibilité et une compréhension des actions à réaliser sous forme d’axes; dans ce cas, nous sommes dans un type de modélisation intégrée au projet de conception. Sa fonction se prolonge au-delà des limites de l’institution qui la produit.
Elle rend possible le suivi des actions mises en place, permettant de conduire et de vérifier la réalisation du programme ainsi que de décrypter, dans l’exécution, les éventuelles dérives et détournements. Les remontées du terrain ne sont plus internes, elles rendent compte de données extérieures au projet (environnement social, politique, économique), des pratiques d’association de toutes les parties concernées par le processus même celles qui n’ont pas été concernées au départ. A ce stade, la modélisation qui préside à la mise en oeuvre de ce suivi est dans l’action, et crée les conditions de l’évaluation comme mesure objective et possible, des résultats du projet de politique de santé publique en vue de déterminer sa pertinence, sa cohérence, l'efficience de sa mise en œuvre, son efficacité et son impact ainsi que la pérennité des effets obtenus. Les résultats de l’évaluation introduite dans le texte questionnent la première modélisation et sont productifs d’une nouvelle modélisation, méthode et processus de la représentation de la situation réelle pour rendre compte des conditions nouvelles de cognition, d’adaptation et de citoyenneté.
Le suivi et de l’évaluation introduisent une dynamique qui place la modélisation au sein de l’action en tant qu’outil d’information et de communication entre des publics hétérogènes, processus d’acquisition de connaissances et proposition pour la décision. L’ensemble projet, modélisation, axe stratégique, suivi, évaluation ouvre le chemin à des déclinaisons du processus mis en œuvre.
Le volet addictions du Plan Régional de Santé au Travail (Martine Valadié-Jeannel, 2009) part d’un constat, résultat d’études croisant des résultats de la recherche en laboratoire, d’études cliniques, d’études épidémiologiques : les consommations d’alcool, tabac, cannabis, les phénomènes de poly-consommations de substances psycho-actives occupent une place particulière dans la prévention des risques en milieu professionnel , risques potentiels pour la santé, la sécurité individuelle, risque de désinsertion professionnelle. Il définit des enjeux : gestion des risques, management des ressources humaines, santé au travail. Il s’appuie sur des décisions de politique publique : Les « Etats Généraux de l’Alcool » organisés en 2006 en Aquitaine ont répercuté les préoccupations des DRH face au risque alcool. Le décret tabac du 15/11/2006 fixe une obligation de résultat à l’employeur en mettant fin aux cohabitations fumeurs / non fumeurs. De jeunes consommateurs de cannabis ou poly-consommateurs de substances arrivent sur le marché du travail et présentent une persistance d’effets psycho-actifs. Le Plan Régional de Santé au Travail [PRST] en Aquitaine, est une démarche de concertation et de mobilisation de nombreux acteurs. Le volet addiction du PRST dans ses 5 axes, s’intéresse à l’ensemble des conduites addictives : alcool, tabac, substances psycho-actives y compris les médicaments : - Connaître les consommations et les risques associés en situation de travail. - Informer, sensibiliser les acteurs sociaux en milieu de travail ou en phase de formation. - Construire une politique de prévention concertée du « risque addiction » en milieu professionnel validée par les acteurs. - Développer le repérage précoce, des différentes consommations, le maintien dans l'emploi.- Animer un suivi et un partenariat autour de la mise en œuvre du volet addictions. – Mettre en place une évaluation.
La stratégie adoptée permet de gérer les nombreux partenariats concernés, Services de santé au travail, ANPAA, CEID, GRRITTA, CRAES, Réseau AGIR 33, Département d’addictologie, Equipe de liaison et de soins en addictologie CHU/CHCP, ORST, ORSA, DRASS, DRTEFP, CDC, FNP, DDTEFP, ANPE, CRAM. Deux domaines s’articulent : l’un permet à chaque partenaire de s’approprier le sens des présentations techniques de chacun dans un processus dialogique et récursif et de s’approprier le sens des éléments du cahier des charges non comme une technique mais comme un partage de connaissances dans un processus hologrammatique : ce domaine est celui de la co-formation, il ne s’écrit pas, il ne se modélise pas mais il permet d’être autonome dans l’action. L’autre est celui de la modélisation du cahier des charges, production technique pour que la conception du projet ait une reconnaissance technique dans ce cas scientifique, juridique et hiérarchique, qu’il puisse être transmissible dans un réseau structuré d’acteurs et qu'il soit pour les différents acteurs un matériau dont ils se sont appropriés le projet en le construisant.
Cette action donne à la modélisation dans une production d’autres acteurs ses caractéristiques propres : elle est porteuse des théories qui portent sur les matériaux du champ, des représentations du point de vue de chaque acteur, elle a la finalité d’être une information à diffuser auprès de publics dont les enjeux, les cultures, les pratiques diffèrent constitue l’enjeu majeur.
Ces trois études de cas présentent trois figures de la modélisation qui considèrent le modèle comme un objet représentant une théorie et comme donnant une compréhension accrue d’une classe d’objets, genèse de nouvelles propositions : le design, une modélisation intégrée ; l’industrialisation du système d’enseignement, une modélisation pervertie ; le Plan régional de santé au travail, une modélisation dans l’action.
Ces trois études mettent en scène des professionnels dont la formation académique n’est pas un secteur identifié communément comme école d’ingénieur mais dont les activités professionnelles participent avec les ingénieurs au projet de conception d’un produit. Confrontés aux approches plurielles que nécessite un projet de production, les différents corps professionnels engagés dans ce processus ont la nécessité de s’informer entre eux sur la conception du produit. Pour que chaque approche garde sa spécificité ne soit pas diluée dans le projet global et puisse être une information destinée aux autres acteurs du projet, elle doit avoir un mode de présentation matérielle commun qui informe des résultats de son analyse du projet de production : chaque acteur est conduit à modéliser la part qu’il apporte au projet global, tantôt transmission d’une information à vocation comportementale ou cognitive, tantôt traduction pour ouvrir vers d’autres possibles. La prise en compte du design dans l’entreprise (A. Florin , 2007), la décision politique d’introduire un produit industriel comme moyen d’enseignement (Commission Européenne, 1995), le schéma régional médico-social d’addictologie (Région Aquitaine 2009-2014) sont trois études de cas qui définissent la place et les fonctions de la modélisation dans le projet de conception d’une action ou d’un produit.

Médiagraphie
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