7 mai 2009

COMMUNICATION ET ENSEIGNEMENT A L’ERE DU NUMERIQUE

COMMUNICATION ET ENSEIGNEMENT A L’ERE DU NUMERIQUE : DIFFUSION DES INFORMATIONS,ACQUISITION DES CONNAISSANCES, SAVOIR EN CONSTRUCTION.
INFORMATION, AJUSTEMENT MUTUEL, DIFFUSION DES CONNAISSANCES, CONSTRUCTION DES SAVOIRS.

La perception par les sens et la construction de l’information.
L’acquisition d’une connaissance commence par la réception d’une information. La transmission de cette information nécessite qu’il existe une source de cette information, un récepteur va utiliser cette information en vue d’accéder à la construction d’une connaissance, cette connaissance est un préalable à une décision qui engage un acte.
Si certaines machines, produites par l’industrie, sont des prolongations directes du geste de l’homme comme la craie pour écrire sur un tableau, l’évolution des techniques crée des distances spatiales et temporelles entre le geste de l’homme qui produit un programme, suite d’informations et le récepteur de ce programme. Après traitement par les composantes de la machine, ces informations sont disponibles pour un récepteur par l’intermédiaire de cette machine ou d’une autre machine : La machine formate une information que l’homme enregistre.
Nous pouvons considérer que dans le premier cas l’information est émise et perçue directement par les sens de l’homme dans sa quête de la connaissance, dans l’autre cas l’information est traitée par une machine avant d’être disponible pour donner lieu à un travail cognitif.
Deux exemples permettent de saisir la différence entre les deux situations
Les datations relative et absolue font partie des programmes d’enseignement des sciences de la vie et de la terre en fin d’enseignement du lycée :
Dans la datation relative, un sens, la vue, donne directement l’information utile au géologue pour étudier les sols en fonction de connaissances acquises au préalable.
Ainsi, l’observation de la distribution horizontale des strates des roches sédimentaires a conduit les géologues à établir un principe géométrique simple, dit de superposition : « toute couche est plus récente que celles qu‘elle recouvre et plus anciennes que celles qui la recouvrent » ; De même la discordance entre deux formations géologiques résulte de l’observation « de part et d’autre de ce contact, des litages très différents. Cette surface est appelée discordante.»
Avec la datation absolue et radioactivité naturelle : une machine donne l’information utile au géologue.
Le spectromètre de masse donne le spectre isotopique de l’élément E dans l’échantillon étudié.
Il est fondé sur la décroissance radioactive de certains éléments comme le 14C, carbone 14.
L’observation visuelle apport d’informations sur la géologie d’un paysage rencontre l’analyse de données sur la composition chimique Carbone 14 des éléments de ce paysage obtenues par une machine qui propose des informations codées dans un système différent de celui de l’observation visuelle.
L’échographie obstétricale fait partie des procédures de la Santé publique dans les pays européens. Elle modifie les représentations sociales et mentales de l’enfant à naître : avant sa mise au point technique et son institutionnalisation, la connaissance d’un enfant à naître venait après la naissance, avec L’échographie obstétricale, un certain nombre de caractéristiques physiologiques de cet enfant à naître sont connus.
Dans la pratique clinique sans échographie, la palpation donne quelques indications sur le fœtus, mais c’est seulement au moment de l’accouchement que l’enfant présente ses caractères essentiels pour son environnement médical et social par exemple son sexe.
M.Bydlowski (1976) décrit cette situation : « L’enfant qui se développe dans le corps au cours de cette gestation reste d’ordre imaginaire. Il n’est pas réel, il reste irreprésentable jusqu’au jour de sa naissance dans son apparence physique, aussi irreprésentable que l’enfant prématuré, séparé immédiatement de sa mère et qui dans le discours de celle-ci n’a pas de corps figuré. Mais dans le corps de sa mère, l’enfant est source de représentation psychique, de rêves nocturnes où il diffère complètement de sa réalité biologique….Ce que la femme entoure de ses bras, c’est un ventre, pas un enfant, un ventre porteur de tous les mystères au-delà et en deçà de l’expérience, de la logique qui lui enseignent que c’est un enfant au visage inconnu ».
D. Lanoix Rulleau (1993-1994) analyse la pratique de l’échographie obstétricale, soit l’utilisation d’une machine pour connaître les caractéristiques du fœtus, de cet enfant à naître :
« L’image s’impose au médecin, il ne construit pas sa quête imaginale méthodiquement, même si celle-ci à un ordre prédéfini et théorique, il doit la modifier en fonction des mouvements du foetus sur l’écran obtenu à partir d’un traitement numérique de données et en général en fonction des conditions locales. L’image de l’écran lui fixe sa loi. Le discours du médecin se construit en fonction de cette image…Le dialogue avec la technique de l’imagerie médicale est assez prenant en soi pour être poursuivi comme tel sans autre finalité : risque évident, la fascination, l’auto référence,, l’autohypnose ».
La technique (la recherche de la bonne image écranique) et son utilisation (des informations obtenues par un traitement numérique de l’image avec comme finalité un diagnostique) rentrent en tension avec les représentations visuelles (le ventre de la femme enceinte), mentales (le bel enfant à naître), sociales (la femme enceinte dans la société). Deux modes d’informations se trouvent en tension d’une part celui qui a pour origine l’histoire, la culture, le social, les sens, d’autre part celui qui résulte d’un traitement opéré par une machine et interprété par un spécialiste.
Interaction Homme – Machine : Information, communication, travail conceptuel.
Pour saisir le contenu de l’image de l’échographie, pour interpréter les données de la spectrométrie, l’information sur l’objet que va recevoir son destinataire est traité par une machine : c’est cette information que le destinataire va recevoir, information qui va devenir l’élément de la connaissance de l’objet d’étude.
Perception sensorielle et information visuelle et auditive : système univoque et co-actualisation
A la perception sensorielle de l’objet se substitue une information visuelle ou auditive qui représente une caractéristique de cet objet. Il est question ici de l’homme dans une sitaution de communication et non de l’homme immergé dans la nature.
Historiquement, cette situation existe depuis qu’il existe des systèmes qui permettent aux hommes d’exprimer des idées abstraites ou d’échanger en évitant de présenter l’objet dont il est question : le système linguistique avec sa double articulation et son déroulement linéaire, les langages scientifiques propres à chaque science, et ceux propres à chaque activité professionnelle, le système graphique avec ses différentes représentations suivant les écoles de la perspective et avec ses codes…
Ces systèmes de représentation visuelle et auditive sont la plupart univoques : ils répondent à l’utilisation d’un seul code. Avec l’infographie, la photographie, le cinéma plusieurs matières de l’expression, plusieurs systèmes sont co-actualisées : la machine est capable de produire cette co-actualisation d’informations diverses que lui fournit l’homme. Le geste de l’homme, la parole de l’homme ne juxtaposent pas ces représentations auditives ou visuelles. L’introduction de la machine à calculer dans ces systèmes de production d’informations permet un traitement de ces différentes informations recueillies par les machines à reproduire et à diffuser des images et des textes dans un même temps, dans un même espace : à la l’émission et perception séquentielle se substitue une composition et une réception qui co-actualise des informations.
Performance de la machine à apprendre : une idéologie.
Tant au niveau de l’émission de l’information qu’à celui de sa réception, deux situations existent : celle où l’homme n’utilise que ses sens pour transmettre ou recevoir une information avec ou sans support, celle où l’homme utilise une machine pour transmettre ou recevoir une information.
Opposant ces deux situations, « L’école en projet » (1975) mettait en scène des élèves. D’une part ils se trouvaient dans une situation de réception d’informations diffusés par un projecteur de cinéma, reportage sur un site archéologique, par un magnétoscope sur téléviseur, un commentaire télévisé d’élèves sur un vestige archéologique de ce site ; et d’autre part, ils avaient la possibilité de toucher, de sentir, de regarder ces vestiges archéologiques. Ils constataient que « Toucher, regarder, sentir, c’est déjà s’informer » et que les informations transmises par la machine se trouvaient légitimer par le contact sensoriel tout en étant de nature différente.
Ces techniques de transmission des informations utilisées dans les systèmes d’éducation, d’enseignement et de formation posent une question générale : « quels impacts sur les processus éducatifs ? »
Pour celui qui n’a pas de connaissance sur les procédures qui permettent d’utiliser la convivialité d’un écran d’ordinateur, résultat de l’interconnexion entre une machine à communiquer et une machine à calculer, l’apprentissage d’un programme qui lui en permet l’accès est nécessaire; cet apprentissage lui donne la possibilité d’accéder à des banques de données stockées, répertoriées, reliées entre elles qui répertorient des informations sur les connaissances.
Ainsi l’incidence de l’informatique sur l’enseignement se présente sous les apparences de l’automation (automatisation) produite pour une industrie de la connaissance : la machine serait plus performante pour des tâches particulières telles que l’entraînement à des exercices programmés, plus compétente en traitant un plus grand nombre d’information avec les progrès du traitement numérique, disponible pour la recherche documentaire, plus heuristique puisqu’elle est capable de développer une intelligence artificielle liée aux recherche sur les sciences cognitives.
Deux approches de l’automation de la connaissance
Cette idéologie marque la seconde moitié du 20ème siècle et le début du 21ème résulte, elle donne naissance à deux approches différentes.
Un modèle mathématique.
L’une se base sur le constat même de la genèse qui a produit cette technologie : elle utilise le modèle dont elle est issue, « La théorie mathématique de la communication » et celui des sciences physiques pour traiter des éléments indésirables les sciences physiques.
Warren Weaver (1964-1975) soutient la thèse que la solution technique de la transmission des symboles de la communication proposée par Claude Shannon aux Bell Telephone Laboratories sur la fidélité de la transmission de types variés de signaux d’un émetteur à un receveur peut être utilisée pour traiter les deux questions suivantes dans le domaine de la communication humaine: « Avec quelle précision les symboles transmis véhiculent-ils la signification désirée, problème sémantique ? Avec quelle efficacité, la signification reçue influence-t-elle la conduite dans le sens désiré, problème de l’efficacité ? »
Résumer la théorie de Weaver au seul schéma, source d’information – message – émetteur- signal récepteur – message – destinataire est réducteur. En effet, il souligne que pour apporter une réponse aux deux questions posées, il est essentiel de tenir compte des caractéristiques statistiques du destinataire. Plaçant l’entropie du système proposée du côté de la beauté et de la mélodie, Weaver nous met en garde sur le déni que nous pourrions faire de l’incertitude dans la transmission d’un message, son degré d’indétermination devenant proportionnel à la quantité d’informations sur le destinataire (mesure du désordre dans un système : entropie).
L’autre approche se positionne par rapport au travail cognitif de l’homme et distingue d’une part, l’homme au travail en contact direct avec la matière qu’il s’approprie, l’outil étant le prolongement d’un de ses sens (un exemple : l’éducation chez J.J. Rousseau – L’Emile ; Thierry Metz), d’autre part la machine traitant l’information du travail à faire pour que l’homme commande une action à la machine. Pierre Schaeffer (1984) parle d’ « une probable révolution qui affectera le travail mental aussi profondément que la révolution industrielle a changé les dimensions physiques du travail humain » et fait la prospective suivante : « Une partie de l’enseignement primaire devra désormais éduquer des masses d’infirmes artificiels à l’emploi de leur prothèse. Au niveau secondaire, l’habileté consistera à traiter l’information, à interroger convenablement les banques de données…Enfin, vu l’extension exponentielle des connaissances dans chaque domaine, le principal sera d’entretenir les banques de données, de familiariser les spécialistes à leur accès. On peut alors prévoir deux variantes, selon qu’il s’agit d’un travail davantage conceptuel ou manuel. Dans le premier cas, des machines intelligentes assisteront les spécialistes et dans l’autre cas, les robots exécuteront des tâches mieux que le travailleur, qui sera néanmoins proposé à une vague surveillance. »
De système complexe à la pensée complexe.
Pierre Schaeffer conclut : « Ces traits représentent aussi bien une émergence idéologique que l’émergence de certains symptômes.»
Weaver souligne les dangers d’une position réductrice de l’utilisation de la théorie mathématique en matière de communication humaine. Dans les prospectives que nous propose l’introduction du numérique dans l’enseignement et le travail, Pierre Schaeffer nous met en garde contre une dérive en rapport avec l’objectivité scientifique (Parsons) et créatrice de croyance (Shils),
Face aux propositions de la société cognitive du « livre blanc de la commission européenne » qui fait des machines à communiquer l’outil de l’accès à la connaissance pour tous, les interrogations de Weaver et de Schaeffer rejoignent les travaux de l’Association Francophone des Interactions Homme-Machine qui soulignent que l’introduction de la machine numérique comme intermédiaire entre l’objet d’étude et l’apprenant nécessite une pensée complexe (Edg.Morin, ) et qui donnent cette définition : « ensemble des matériels, logiciels, humains et environnementaux qui ont une influence sur l’efficacité des systèmes et produits, à la fois du point technologique et du point de vue humain. L’étude ces formes d’interactions est donc présente dans tous les domaines d’activités et de recherche, cette dimension est interdisciplinaire. » (Montréal, Québec, Canada avril 2006).
Quels problèmes « la transmission-machine des connaissances » posent-ils au système de l’enseignement ?
La dimension bureautique : des stéréotypes comportementaux.
L’approche heuristique des différents comportements que l’utilisation d’une machine nécessite pour obtenir une information permet de saisir les perturbations qu’elle introduit dans le système de la transmission des connaissances.
Une connaissance pratique de l’utilisation de la machine, comme « prothèse artificielle », est nécessaire : si nous reprenons le cas de la géologie, le spectromètre, celui de la documentation, la bureautique, celui de l’imagerie médicale du fœtus, l’échographe et la console de l’ordinateur, celui de la recherche documentaire, deux questions se posent : Quelle est la place de cet apprentissage qui n’est pas le but que recherche l’enseignement d’une discipline comme la géologie, la biologie, la documentation cet apprentissage ? Doit-il être antérieur, concomitant, postérieur à la recherche des informations utiles à l’enseignement de la discipline ? Les stéréotypes de l’utilisation s’acquièrent-ils par la pratique ?
il apparaît donc qu’il y a apprentissage après une formation comportementale à l’utilisation suivie d’une longue expérience en effet il existe une différence entre la notice d’emploi d’une machine et son utilisation. Celle-ci correspond à en connaître les procédures mais aussi à savoir gérer les aléatoires qui se produisent au cours de l’utilisation de toutes les machines.
D’une part le langage de la notice mode d’emploi ne correspond pas au langage disponible chez l’utilisateur, comme le langage du formateur n’est pas audible par le professionnel (Y. Clot, 1995 ; A.Jeannel, 1998). D’autre part, l’utilisation d’une machine multiplie la quantité des petits événements de la vie : micro-actions, micro-événements, micro-plaisirs se multiplient au détriment de l’objectif de son utilisation comme tout acte de la vie quotidienne (A. Moles et E.Rohmer 1976).
Une fois l’accès aux banques de données rendues possible par une bonne utilisation de la technique de l’outil machine, cet accès suffit-il pour obtenir l’information ? Quel serait le rapport entre les informations disponibles et l’acquisition de connaissances ? Quelle serait l’habileté à traiter l’information, à interroger convenablement les banques de données ? Comment, vu l’extension exponentielle des connaissances dans chaque domaine, les spécialistes peuvent-ils se familiariser à leur accès ?
La recherche d’informations nécessite d’identifier les représentations de la connaissance disponibles dans le système de la machine et l’efficacité du système est évalué à sa fiabilité La recherche d’informations nécessite d’identifier les représentations de la connaissance disponibles dans le système de la machine et l’efficacité du système pour obtenir le bon renseignement.

Représentations mentales : les apports de la psychologie et de la sociologie.
A la suite de Roy Pea, David N. Perkins nous engage à considérer la cognition humaine comme étant répartie de plusieurs manières au-delà de l’organisme lui-même : dans l’interaction avec d’autres personnes, en comptant sur des médias symboliques, et en utilisant l’environnement et ses outils. L’utilisateur accède à l’information en partant de ses représentations mentales, structurelles, esthétiques : Au départ, l’utilisateur a une connaissance qui lui permet de guider son choix vers une information : sans cette connaissance, la machine lui propose uniquement des informations privées de sens , cette connaissance primitive lui permet de faire un tri et de traiter l’information repérée et de la traiter pour construire le raisonnement qui lui donne accès à l’information qu’il recherche pour construire une nouvelle connaissance : nous sommes loin du schéma réducteur de la publicité des machines à enseigner qui voudrait que la seule possession de la machine et sa mise en route produise l’apprentissage attendu.
Du point de vue de la connaissance, l’apprenant apporte dans la tâche d’apprentissage toute une richesse contenue dans sa mémoire : il part de cette richesse pour rechercher l’information qui traitée devient une connaissance. Ce temps de l’apprentissage est prévu par le système d’enseignement ; il est résolu dans un groupe par les réactions relationnelles faites d’une multitude de traits significatifs qui lient les enseignants aux apprenants en présence ; ce contact direct dépend du regard, de l’écoute, d’une formation à la pédagogie du contact relationnel (page 4). Cette partie de l’activité enseignante est éducative et traitée dans des problématiques de psychologie sociale. Une autre partie de ce moment est mise en évidence quand cet ajustement souvent considéré comme un art n’existe plus : l’enseignant préparant la transmission d’une connaissance hors de tout contact avec les apprenants se trouve devant la nécessité de trouver un moyen technique de substitution, l’apprenant ne peut pas utiliser l’information que lui transmet la machine si le programme qu’il reçoit ne lui permet pas de trouver dans sa mémoire cognitive l’élément qui lui permet de traiter la masse d’informations ou le vide que représente pour lui ce que lui propose le produit industriel qui diffuse le programme de l’enseignant. La question, ici, n’est pas pédagogique, elle est didactique : en fonction du contenu propre de la discipline de quelle manière l’enseignant auteur du programme va-t-il informé l’apprenant sur la représentation cognitive à mobiliser pour faire le tri parmi les informations présentes sur un support pour identifier la bonne information qui le conduira vers la connaissance à acquérir. L’étude du manuel scolaire (228) montre l’attention que l’enseignant auteur doit apporter à cet aspect de la question (A. Jeannel, 2007) les fiches d’exercice, en sont des exemples. La recherche d’une adéquation entre l’information donnée par l’enseignant et la capacité de l’apprenant pour la repérer et la traiter pour qu’il s’approprie une connaissance disciplinaire son repérage et de son traitement par l’apprenant est de l’ordre de la didactique propre à une matière de l’enseignement. Pour conduire à son terme cette adéquation, l’enseignant auteur doit connaître le rapport que l’apprenant a avec le contenu de son enseignement et en particulier tous les embrayeurs qui permettent à l’apprenant de faire le tri dans les infirmations qu’il reçoit sur un support transmis par la production industrielle. Les problématiques qui traitent de la psychologie et de la sociologie de l’apprenant (F.Chafiqi) permettent à l’enseignant de connaître les différentes postures de l’apprenant vis-vis-à-vis de la connaissance. L’identification de ces postures permet d’ajuster les informations contenues dans le programme aux connaissances naïves, tronquées, culturelles, académiques du public visé. Si cet ajustement mutuel se fait en présence de l’apprenant, dans le cas d’une production industrielle en vue d’une communication à distance, cet ajustement est fait en dehors des apprenants et ne peut être qu’un pari sur le fait qu’il sera le bon ; dans ce cas l’auteur du manuel doit se référer aux enquêtes sociologiques et aux analyses psychologiques concernant le public visé ; la production industrielle qu’elle soit de série ou qu’elle soit par une diffusion numérique vise le plus grand nombre de consommateurs pour avoir des prix attractifs ; le choix d’un public restreint fera augmenter l’achat du manuel et du didacticiel qui en dérive ou le coût de la connexion au programme diffusé sur la toile. Le didacticien doit se plier aux deux règles : L’une est didactique : ajustement du programme didactique aux compétences du public visé et aux critères de l’objectif cognitif visé entant que contenu et stratégie d’utilisation. L’autre est économique: entente avec l’entreprise qui produit et diffuse le programme.

La fonction de l’environnement : identification cognitive.
Dans l’approche proposée par Perkins, l’apprenant une fois cette information reçue doit mobiliser les modèles mentaux et visuels que le didacticien suppose acquis pour saisir l’objectif visé par le programme : ces modèles sont supposés connus en fonction du curriculum de l’apprenant. Dans le cas du manuel, l’apprenant qui n’a pas à sa disposition l’enseignant peut faire appel à l’environnement proche pour construire la connaissance visée par le programme, présenté sous une forme de leçon traditionnelle ou d’enseignement programmé. Sur la toile, le programme permet à l’apprenant de chercher de nouvelles informations grâce aux capacités techniques de la machine et aux liens fonctionnels avec d’autres sites crées par l’ingénieur. Cette activité conjugue des compétences techniques de l’ordre de la bureautique et de la recherche documentaire. Elle se différencie de l’ajustement mutuel avec l’environnement proche par le mode de communication et par une autre gestion du temps et de l’espace : l’apprenant dispose d’interconnexions qui lui permettent de créer des groupes d’affinités(Piolet et ) que l’utilisation de la messagerie électronique prolonge et conforte dans un mode de communication machine, et de travailler en supprimant les distances et en établissant les échanges d’information dans la continuité immédiate de la réception du programme didactique.

La construction du savoir :compétence méthodologique.
Dans cette phase d’activité cognitive et de bureautique, l’apprenant acquiert la connaissance visée par le programme. La phase suivante consiste à faire passer cette connaissance d’un stade inerte (« inert knowledge » , D.N. Perkins)) à un stade d’utilisations dans d’autres situations, soit de passer de la connaissance acquise à la construction d’un savoir. Dans le premier stade, les exercices d’entraînement qui sont un jeu simple de questions réponses gagnent en temps et déplacement avec l’utilisation d’enseignement programmé sur machine. Dans le second stade, le savoir comme compétence à analyser une situation dans le but de décider en fonction de propositions différentes, de résoudre un problème nécessite de considérer que la méthodologie est par son fondement même une pensée conceptuelle dont les aspects psychologiques dépendent d’un échange mutuel( Roggers) , que les capacités de simulation dans l’espace de la machine est une aide technique à la présentation de la situation et à l’illustration de la solution. Cette distinction est aussi de caractère heuristique : face à l’écran, dans la situation problème, les apprenants se regroupent par deux et quand l’apprenant a besoin de soutien l’enseignant se met à ses côtés pour résoudre des problèmes.

Un apprenant plus son environnement : un système complexe.
La mise en pratique de ces quatre dimensions, la bureautique, la représentation, l’environnement, le savoir, permet la construction d’une nouvelle connaissance que l’utilisateur s’approprie. L’enseignement prend-t-il en charge ce système qui, comme les deux faces d’une même pièce, comprend une méthodologie et la disponibilité de connaissances tant au niveau du contenu qu’à celui des stratégies de leur utilisation ?
Ces coups de projecteur sur les accompagnements des apprentissages qui utilisent les machines pour transmettre des informations sur l’objet d’étude confortent les conclusions de Weaver sur le modèle mathématique de la communication : s’il est possible concevoir des machines qui, théoriquement peuvent répondre à une transmission de l’information la plus ajustée au récepteur, la superposition des trois niveaux, technique, sémantique, qualité-efficacité dans la communication homme-machine provoque une entropie qui nécessite des apprentissages qui sont nécessaires mais qui modifient les cursus académiques de l’enseignement : la pratique technique de la machine avec la résolution des pannes et des disfonctionnements, la place qu’occupe l’environnement en synergie quand il a lieu avec le dialogue socratique crée de nouveaux domaines où s’inscrivent les informations, l’évaluation de la connaissance construite à partir de l’information recueillie consiste à évaluer l’apprenant sur ses actions pour mobiliser son environnement pour cette construction et non l’apprenant sans les ressources de son environnement, c’est à dire de ne prendre en compte que ce seul, détaché de tout contexte il a la capacité de restituer de la connaissance.
La prise en compte des machines dans l’enseignement comme machine à traiter des informations et à les communiquer à l’apprenant traite d’une question plus large que celle de la place des machines dans l’enseignement : l’individu plus son environnement est un système complexe qui pense et qui apprend. « L’environnement - à savoir les ressources sociales et physiques situées dans l’environnement immédiat en dehors d l’individu - fait partie de la cognition, non pas comme source ou récepteur d’information, mais également comme véhicule de la pensée ; la trace laissée par la pensée – ce qui est appris – se trouve non seulement dans l’esprit même de l’individu qui apprend, mais également dans l’organisation de l’apprentissage, et constitue tout autant un apprentissage. »
Nous retrouvons là les trois principes de la pensée complexe d’ Edg . Morin : le principe hologrammatique, récursif et dialogique.

Le manuel, la communication-machine, le didacticien, le pédagogue :
la formation des enseignants.

Arrivé à ce stade de cette démonstration, nous devons mettre en regard une autre conception de la machine dans l’enseignement : la science fournit une description si précise de la cognition humaine que l’ingénieur pourrait fabriquer la machine parfaite qui transmettrait l’information prête à de venir la connaissance sur l’objet d’étude utile au projet ou à l’action sans aucune autre intervention de l’environnement physique et humain. L’histoire nous donne des exemples de régimes politiques qui dans le but de donner à la masse la même connaissance à partir de la même information sans autre construction cognitive que celle produite par la machine qui se confond avec le pouvoir, elle décrit des situations d’appauvrissement de l’innovation et de la créativité soit du développement cognitif individuel et collectif, des systèmes basés sur la coercition de la résistance individuelle et collective. IA :la confusion entre interactivité et IA
Ces résultats s’opposent à l’entropie que nous avons soulignée en analysant les fonctions techniques, sémantiques et évaluatives du système qui prend en compte l’hétérogénéité d’une population et les combinaisons multiples et aléatoires des environnements. La question éducative apparaît ici au centre de l’enseignement. L’utilisation des machines qui font la connexion entre les machines à calculer et les machines à communiquer comme environnement de l’apprenant et de l’enseignant sert parmi d’autres environnements de la formation tout au long de la vie étudier comment dans ce système complexe des actions d’enseignement peuvent être légitimes.

Le manuel n’a pas de panne
Le didacticiel : un manuel mis sous forme d’enseignement programmé dit interactif.
La communication machine le didacticiel, les liens, le courriel,
Convergence, divergence, tranvergence
Une utopie propose que la convergence numérique, la possibilité de faire converger l’ensemble des informations sur un même site, résolve la difficulté contemporaine d’un accès à la connaissance du plus grand nombre d’individus et l’organisation de l’extension exponentielle des connaissances dans chaque domaine. Le suivi pendant quinze ans de la volonté politique de mettre en œuvre des expérimentations répondant à cette utopie (A. Jeannel 1984), puis une série d’expérimentations ponctuelles sur l’utilisation des machines à enseigner( )met en évidence que cette convergence doit être en permanence corriger par des divergences à la fois numériques qui multiplient les supports et les matières de l’expression, éditoriales qui viennent de l’imprimerie et interrelationnelles qui correspondent à une tradition de la construction du savoir chez l’apprenant par la relation interpersonnelle. A un marketing qui promeut l’utilisation d’un seul terminal, le marché diversifie les sites de réception, télévision, téléphone mobile, ordinateur portable qui chacun aura son propre marketing.

Pensée complexe et pluridsciplinarité.
Pour prendre en compte cette interjection paradoxale, Francis Pisani propose de substituer aux deux notions de convergence et de divergence celle de transvergence, montrant ainsi que l’une des propositions du marché ne contredit pas l’autre. Il introduit dans l’utilisation du numérique deux concepts, celui de complexité et celui de pluriel que nous trouvons dans l’analyse de leur utilisation. Le numérique ne réduit pas la transmission de l’information, il rappelle que cette transmission dans ses formes contemporaines liées au marché doit prendre en compte la pensée complexe et la pluridisciplinarité. Quand une machine transmet à l’apprenant une information, résultat d’un programme d’enseignement et d’un traitement propre aux caractéristiques de la machine, cette information devient connaissance quand l’apprenant a la compétence de faire cette opération cognitive. Les analyses précédentes permettent de repérer les actions qui donnent cette compétence à l’apprenant. Pour répondre aux attentes d’une tradition qui distingue la didactique de la pédagogie, nous utilisons cette taxinomie pour résumer les orientations que mettent en évidence les points traités. L’enjeu de cette réflexion est la définition d’objectifs de formation des enseignants pour permettre à l’apprenant d’utiliser les ressources de la société cognitive et de se préparer à cette formation tout au long de la vie adaptée aux mutations sociales et professionnelles. Il s’agit de formaliser une réponse à la question posée : « quels impacts sur les processus éducatifs ? »

Compréhension du monde de l’industrie.
Le premier processus que l’apprenant doit acquérir est celui de l’utilisation d’une machine. Cela signifie qu’il occupe un poste de travail dans une chaîne de production industrielle qui comprend des enseignants, des ingénieurs, des techniciens, des investisseurs. Confronté à ce travail posté, la formation de l’apprenant comprend, comme préalable, l’apprentissage technique de l’utilisation de la machine et des processus dans lesquels il se trouve embarqué, soit tous les aléas de l’apprentissage mais aussi des pannes et de leur résolution. La phase d’apprentissage nécessite que les expériences de l’entreprise dans cette transmission d’un savoir faire soit prises en compte : « Si les "exécutant" sont tenus à l'écart dans la division du travail, personne ne peut parler "à leur place". Le langage n'est pas une "décoration" du travail, mais une appropriation symbolique des épreuves qu'il comporte. » (WWW.cnam.fr). Ce commentaire de l’ouvrage d’Yves Clot montre l’insuffisance de la répétition d’un mode d’emploi, il explique les causes qui font que les jeunes se détournent des formations spécialisées pour apprendre entre eux ces techniques. Cependant les limites de ces échanges apparaissent rapidement quand l’utilisation devient fine et que la panne ou l’aléatoire se produit. L’enseignement doit donc prendre en charge cet apprentissage avec son aspect poste de travail, ce qui correspond à une formation professionnelle de type bureautique adaptée à l’âge de l’apprenant. Se pose la question du contenu de cette formation et la forme de cette formation : le contenu de la formation doit prendre en charge tous les aléas que représente la position d’une personne sur un poste de travail, soit pas simplement l’utilisation du poste mais l’environnement de ce poste, c’est-à dire une compréhension de la chaîne de production industrielle et de marketing à laquelle se poste appartient. Ces informations telles que la compréhension du langage de l’entreprise et celui de la technique de l’outil, doivent être adaptées aux compétences cognitives de l’apprenant cette action est une action pédagogique au sens de permettre à l’apprenant de s’approprier ces informations pour les transformer en connaissances qui lui permettront d’acquérir le savoir nécessaire à l’utilisation de ce poste de travail.

Synergie des problématiques en didactique et pédagogie :
Dans la formation des enseignants.
Une fois cette procédure mise en place, elle sera consolidée par l’utilisation de ce poste de travail en fonction de l’enseignement suivi par l’apprenant. La formation de l’enseignant comprend traditionnellement une formation académique, didactique et pédagogique dont la production de manuels ou de cours et la présence face ou à côté des apprenants sont les manifestations les plus courantes. En fonction des items précédemment développés, l’introduction de ces informations médiatisés par une machine influence-t-elle, modifie-t-elle, complète-telle, remplace-t-elle, questionne-t-elle une formation traditionnelle ? Ces débats trouvent des arguments à travers une série de problématiques qu’il faut posée. La pratique technique de la machine doit être complétée pour accéder à l’information par la capacité de l’apprenant à connaître la finalité de l’information recherchée (Perkins).

Didactique de la discipline et contraintes sociales.
Dans la formation des enseignants, cet objectif réclame « une solide formation disciplinaire » pour transmettre à l’apprenant la connaissance préalable qui lui permet d’utiliser la machine soit dans le but d’accéder à des informations qu’il saura traiter pour en faire une connaissance , soit dans le but d’accéder à programme d’entrainement qui lui permet d’utiliser d’assimiler cette connaissance. La problématique que pose ici l’utilisation de la machine s’exprime en des termes qui articulent « la construction des savoirs et la quête de sens » (N.Sorin, 2008) et ouvre le champ de la réflexion : « Dans nos pratiques en tant que formateur en didactique des sciences physiques, notre souci majeur est d'essayer dans le cadre de cette réflexion générale, de transposer et de contextualiser, en formation des futurs enseignants, des outils de la didactique des sciences, en tant que concepts qui tiennent compte des caractéristiques de l'épistémologie contemporaine (logique des savoirs), de la psychologie (logique de l'appropriation des savoirs) et de la pédagogie (finalités et relations). Notre hypothèse dans cette démarche est de fonder des contenus et des pratiques de formation qui résultent de croisements complexes entre une logique conceptuelle, un projet de formation et des contraintes didactiques dans des interactions sociales » (A.Khiati, 2008).Cette approche heuristique de la formation permet de situer avec précision la part qui concerne l’utilisation de la machine, comme machine à enseigner et celle qui ne lui correspond point.

Logique conceptuelle de la didactique et logique du « numérique ».
La construction d’un programme didactique que distribue la machine nécessite une adéquation entre la logique numérique de la machine et la logique conceptuelle de la didactique concernée. Une telle interrogation distingue les informations qui font partie d’un enseignement avec une prothèse industrielle, et celles qui font partie d’une construction du savoir par une relation interpersonnelle. Dans la description de cette approche heuristique de la pratique de formation : deux logiques peuvent servir à bâtir un programme qui utilise la logique d’une machine numérique, la logique des savoirs et la logique de l’appropriation des savoirs.

Logique de l’appropriation du savoir.
La logique de l’appropriation des savoirs permet de saisir la limite de l’utilisation de la machine : dans une conception de psychologie comportementale, la machine, comme lieu d’entraînement, est un auxiliaire de l’apprentissage (Skinner), dans une conception métapsychologique, d’approche centrée sur la relation interpersonnelle avec l’étudiant (Rogers), la machine ne peut se substituer à l’enseignant. Ces deux champs disciplinaires ne peuvent être dissociés dans une approche globale de l’homme : les utopies qui veulent substituer la machine à l’homme produisent les échecs que l’histoire nous enseigne. Leur tension souligne deux aspects. Le premier rappelle que les procédures qui mettent l’apprenant seul face à un programme comme entraînement ont une longue expérience liée à l’édition de livret d’entrainement qui comprend aussi des livres construits sur des modèles que les machines reproduiront, le second est qu’il souligne la part qui correspond à la construction du savoir à partir de la didactique et la part qui appartient à la relation pédagogique comme le souligne M K : la pédagogie commence là où la relation interpersonnelle construit à partir d’échanges d’informations une connaissance qui vient abonder la construction du savoir , place des interactions sociales.

La machine à enseigner en question.
Que produit l’utilisation de la machine en dehors de la possibilité d’accéder à des informations dont le traitement fait appel à quatre domaines? Elle est une confrontation à des constructions sociales de la société industrielle et du marché : cette initiation est double : occuper un poste de travail dans un univers de travail à distance, créer des groupes sociaux d’affinités représentées par des énoncés linguistiques et illustrés à distance (Pisani). Cette réponse réactive les débats sur la place de l’éducation dans la vie de l’homme : est-elle une initiation ou une adaptation à la vie de la société que partage l’individu ? Entre instruction et éducation, les responsables politiques tranchent entre serviteurs ou citoyen.
Quelle part la machine à enseigner dans la didactique ? Considère-t-on que la transmission du système d’une théorie correspondant à un objet d’étude défini se suffit à lui-même ou considère-t-on que la transmission nécessite la compréhension des autres systèmes sociétales qui expliquent cet objet d’étude ? Approche univoque et séquentielle ou approche hollogrammatique, dialogique et récursive et circulent dans la société, le didacticien a un choix à faire soit il considère l’apprenant comme un verre vide qu’il faut remplir de ce nouveau système, soit il considère l’apprenant comme une personne cultivé qui possède d’autres systèmes ou des parties du système à transmettre.
Quelle aide apporte la machine dans la construction du savoir ? Si la construction du savoir est basé sur l’expérience, essai-erreur, cette aide apporte des simulations et des projections schématiques qui, détachées d’un contexte réel : elle ne peut suffire car les paramètres aléatoires de la réalité sont co-actualisés et multiples. Cette position nécessite de considérer que l’apprenant confronté au milieu naturel devra passer, parfois douloureusement, d’une expérience virtuelle à une expérience humaine: ce passage est d’ordre pédagogique et nécessite des formateurs avisés. Si la construction du savoir est dans la relation mutuelle entre l’apprenant et l’enseignant, la pédagogie, comme conduite de l’apprenant vers la construction du savoir, est une des composantes de sa formation.
Le problème posé par l’introduction de la machine comme machine à transmettre des informations permet de développer la prise en charge dans la formation des éducateurs des processus qui concernent la place de l’activité technique, de la didactique et de la pédagogie en les situant épistémologiquement et historiquement.

Copyright 2009 (alain.jeannel@libertysurf.fr)