13 mars 2009

La professionnalisation dans l’enseignement supérieur : la mise en place des licences professionnelles



Diapositive n° 1

Plan de l’intervention


I - Vers une définition de la “ professionnalisation ” dans l’enseignement supérieur…

II - Processus de création de la licence professionnelle à l’université

III - Les coordinations à l’œuvre dans l’ouverture des licences professionnelles

IV - Place et rôle des porteurs de projet





Introduction

L’enseignement supérieur et universitaire en France présente de nombreux exemples de la liaison entre la formation des étudiants et l’insertion professionnelle : ENS, Ecole d’ingénieur, Faculté des sciences de la santé, Développements de centres de formation continue ciblée sur des publics qui se préparent à une réorientation de leur carrière professionnelle, DESS. La professionnalisation des formations universitaires n’est pas un phénomène mais un processus qui s’est considérablement accentué au cours de la dernière décennie. Pour répondre à la pression démographique de l’enseignement supérieur tout comme à la programmation de l’homogénéisation des parcours universitaires européens, l’architecture des cursus (LMD : licence, master, doctorat ou 3 5 8) est remaniée et de nouvelles formations, les licences professionnelles et les masters sont mis en place.
Contrairement aux idées reçues selon lesquelles le corps du personnel de l’enseignement public ne mettrait pas en œuvre les propositions innovantes, des enseignants militants s’investissent dans les réformes et savent les adapter localement (A. Jeannel, 1998), ils utilisent les ouvertures de la proposition gouvernementale en développant ce nouveau diplôme en réponse à des besoins de compétences et à des formations pour des métiers clairement identifiés ou émergents.
Ainsi, ce diplôme a connu un développement rapide, avec un important catalogue de spécialités. En 2005, quelques 1 200 licences professionnelles, regroupées dans 46 dénominations nationales relevant des secteurs primaire, secondaire et tertiaire, ont été créées, à destination des BTS, DUT, DEUST, des L2, etc.

La création de la licence professionnelle s’inscrit en continuité dans le mouvement de professionnalisation de l’enseignement supérieur qui débute à la fin des années 1960.



Diapositive n° 2



Diplômes de la filière professionnelle et technologique[1]

1966 - DUT
1970-75 - Diplômes d’ingénieur des universités, création d’écoles d’ingénieur au sein des universités
1970 - Maîtrise de méthodes informatiques appliquées à la gestion (MIAGE)
1973 - Maîtrise des sciences et techniques
1973 - Maîtrise des sciences de gestion (MSG)
1974 - Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées (DESS)
1985 - Magistère
1985 - Diplôme d’Etudes Universitaires de Sciences et Techniques
1985 - Diplôme de Recherche Technologique (diplôme de troisième cycle organisé en deux périodes : 6 mois dans un laboratoire universitaire et 18 mois de recherche appliquée dans un laboratoire industriel
1992 - Diplôme d’Etudes Universitaires Professionnalisées (DEUP) et titre de maître ingénieur préparés au sein des IUP
1994 - Diplôme National de Technologie Spécialisé préparé dans les IUT ou les STS au terme des deux premières années
2000 - Licences professionnelles et masters


La dynamique de professionnalisation des formations supérieures tend à connaître une accélération récente : depuis 1998, on assiste à une explosion des formations professionnalisantes[2]. Les évolutions du marché du travail mais aussi les représentations vis-à-vis de l’insertion dans la vie active ont conduit de plus en plus les jeunes entrant dans l’enseignement supérieur à s’orienter vers des formations plus directement articulées aux emplois. Si l’on prend en compte l’ensemble de l’offre de formation supérieure (universités, STS, écoles diverses…) c’est maintenant plus d’un jeune étudiant sur deux qui est engagé dans ce type de cursus.


La création de la licence professionnelle répond à ce besoin, comme on peut le voir à partir des articles 1 et 2 de l’arrêté de 1999 :
Article 1 “ la licence professionnelle est conçue dans un objectif d’insertion professionnelle. Elle porte une dénomination nationale correspondant aux secteurs d’activités… ”
Article 2 “ la formation conduisant à la licence professionnelle est conçue et organisée dans le cadre de partenariats étroits avec le monde professionnel (…)
Elle conduit à l’obtention de connaissances et de compétences nouvelles dans les secteurs concernés et ouvre à des disciplines complémentaires ou transversales ”

Ont largement contribué à ce succès la quête d’un diplôme à bac+3, premier échelon du système LMD, d’une spécialisation sectorielle et d’une expérience professionnelle significative acquise grâce à l’alternance et la conjoncture exigeant une hausse du niveau de qualification.

Les premières expériences montrent que l’affaiblissement des bac + 2 au profit de bac +3, la recomposition des maîtrises et DEA-DESS en masters de recherche et professionnels comme la multiplication des formations ont des incidences multiples. Elles modifient les trajectoires des étudiants, la gestion et la visibilité de l’offre, elles invitent à la segmentation des équipes pédagogiques, elles bouleversent les relations internes et externes des facultés ou UFR et la redistribution du pouvoir dans l’université. De fait, la nature même de l’institution, plus que jamais sommée d’autonomie (financière en premier lieu), est appelée à évoluer. Se dégage au final un changement de modèle universitaire, une remise en cause des formes d’arrangements entre service public et privé, entre acteurs éducatifs et acteurs économiques.

I - Vers une définition de la “ professionnalisation ” dans l’enseignement supérieur…

La professionnalisation est un terme flou et polymorphe fort prisé des décideurs ministériels. Est-il l’expression d’une rupture dans les finalités de l’université ? Donne-t-il à penser que les formations doivent être construites en lien étroit avec les emplois dans une perspective adéquationniste ou dans une perception plus large d’employabilité ?

L’usage extensif du terme “ professionnalisation ” qui nomme aussi bien l’articulation entre formation et emploi, que le fait de donner des formations professionnelles ciblées ou d’adapter les jeunes à des emplois par le biais de stages déplace la problématique et le sens du mot lui-même. Professionnaliser suppose, en fait, de construire une formation en fonction des compétences requises par un emploi et d’allier formation et expérience professionnelle par le biais de stages. Ce modèle de construction des formations traverse l’ensemble du système éducatif et entre en force aujourd’hui dans les universités, via les licences professionnelles et les DESS (Master professionnel).
Le caractère professionnalisant d’une formation fait appel à plusieurs registres :
Du côté de l’offre de formation, on peut le définir à partir du degré d’engagement des milieux professionnels aux différents stades de la conception, de la mise en œuvre et de la validation d’un diplôme. Celui-ci sera réputé d’autant plus professionnalisant que des représentants des milieux professionnels auront participé à l’élaboration de son contenu, seront intervenus dans les formations, auront accueillis des stagiaires et seront présents dans les jurys d’examen. La sélection à l’entrée dans ce type de formation est le corollaire de l’engagement des milieux professionnels. Elle s’explique par un taux d’encadrement et une dotation financière par étudiant plus élevés que pour les formations académiques. Cette sélection constitue de fait une forme de régulation des flux dont la forme la plus aboutie est le numérus clausus observé pour les professions de la santé.
Un autre registre permet non pas d’identifier mais de renforcer le caractère professionnalisant d’une formation. Il s’agit de son positionnement terminal dans l’ensemble du cursus. Dans les faits, la partition entre formations professionnalisantes et disciplinaires n’est évidemment pas aussi tranchée, notamment lorsqu’elle est appliquée à l’enseignement supérieur. Chaque année, de nombreux jeunes dotés d’un diplôme réputé professionnalisant poursuivent leurs études tandis que d’autres s’insèrent sur le marché du travail à l’issue d’une formation généraliste. L’attribution du caractère plus ou moins professionnalisant d’une formation à l’aune de cette autre dimension doit donc plutôt être pris comme un critère additionnel.
L’analyse des modes d’entrée sur le marché du travail donne en revanche une lecture a posteriori du degré de professionnalisation des formations. Elle renseigne d’une part sur la qualité du signal que constitue tel ou tel diplôme et donc sur la confiance que les employeurs lui accorde effectivement. Elle renseigne d’autre part sur la plus ou moins grande spécificité des métiers ou des fonctions auxquels les formations permettent d’accéder sachant qu’elles sont destinées explicitement à favoriser l’exercice d’un type d’activité déterminé.

La combinaison de ces différents registres permet de dessiner les contours de plusieurs types de formations professionnalisantes et d’en proposer une typologie. Les configurations qui en résultent montrent qu’entre formations professionnelles et généralistes, il n’existe pas de frontière nette, mais plutôt un continuum de situations.

Diapositive n° 3

. Type 1 : il est constitué des formations pour lesquelles l’obtention du diplôme est indispensable pour accéder à l’exercice de métiers bien identifiés. La filière “ santé ” en est le modèle type. C’est le plus ancien modèle de formation professionnalisante et sans doute le plus accompli en ce qui concerne les modalités et les contenus de formation mais surtout, il destine ses diplômés à un marché professionnel spécifique comme celui des architectes, des médecins, des avocats…
. Type 2 : il réunit les formations conduisant à des diplômes à forte lisibilité sur l’ensemble du territoire national. L’entrée sur le marché du travail à l’issue de ces formations n’est pas systématique. La dispersion des emplois auxquels ils permettent d’accéder est plus ou moins grande tant du point de vue des secteurs d’activité que du positionnement dans l’échelle des qualifications et des salaires.
. Type 3 : Un troisième groupe comprend les formations conduisant à des titres ou diplômes dont la lisibilité est beaucoup plus faible comme les diplômes d’université par exemple ou ceux délivrés par des écoles dont la réputation n’est pas solidement établie. Souvent créés pour répondre à un besoin de spécialisation au sein d’une université ou d’une région, ils n’offrent pas les mêmes garanties et perspectives qu’un diplôme national. En outre, le degré de professionnalisation de ces diplômes est plus difficile à apprécier.
. Type 4 : un dernier type regroupe les formations qui préparent à un concours d’entrée dans la fonction publique, ou à une formation sélective du type classe préparatoire à l’entrée dans une “ grande école ”. Ce type ne conduit pas directement à entrer sur le marché du travail mais représente, dans le processus de construction des formations professionnalisantes, la phase amont d’une partie des formations de type 1 et 2.

Typologie des formations “ professionnalisantes ”


Type 1 - (23%)*
Type 2 - (58%)
Type 3 - (12%)
Type 4 - (7%)
Titre préparé
Diplôme d’état
Diplôme d’état
Diplôme reconnu nat.
Titre non reconnu nationalement
Prépa.
concours
Régulation des flux
Nationale
Numérus Clausus
Territoriale
Sélection à l’entrée
Territoriale

Territoriale

Structure de formation
CHU, Ec. d’architecture
IUFM, etc.
IUT, Ecole d’Ingénieurs Ec. de commerce Institut univ., Sts, UFR
UFR, Ecole d’Arts, de commerce
Université
Lycées
Insertion
Emplois “ cibles ”
Marché professionnel
Marché du travail
ou poursuite d’études
Marché du travail
Différé
* Dans l’ensemble des jeunes préparant un diplôme professionnalisant en 2003, 23% prépare une formation de type 1


II - Processus de création de la licence professionnelle à l’université

La licence professionnelle, définie comme formation professionnelle par le ministère, est construite en référence à un métier et doit permettre l’acquisition des compétences nécessaires à son exercice. En ceci, on peut l’opposer à une formation académique dont le contenu est déterminé en référence à la maîtrise d’une discipline, définie par les enseignants. Ce premier critère suppose déjà des coordinations avec le monde professionnel pour acquérir l’information sur les compétences à transmettre. Un deuxième critère la caractérisant, concerne le recrutement sélectif d’étudiants sur un nombre de places limité. Ce rationnement tient à la fois aux moyens nécessaires au bon déroulement de la formation, mais aussi à une référence plus ou moins explicite et instrumentée aux “ besoins ” d’emplois dans le système productif. Cette dimension, conduit à des processus de sélection des étudiants qui privilégient la qualité de leur cursus antérieur par rapport à la proximité géographique. Enfin, dans leur mise en œuvre, les formations doivent associer des professionnels. Localement, l’organisme porteur de cette formation doit donc construire des arrangements avec des personnes ayant des compétences et une expérience professionnelle dans un domaine donné, et prêtes à s’investir dans des activités d’enseignement.
La licence professionnelle est délivrée par les universités, seules ou conjointement avec d’autres établissements publics d’enseignement supérieur, habilités à cet effet par le ministère chargé de l’enseignement supérieur. Dans le cadre de la politique contractuelle, l’établissement présente un dossier de demande d’habilitation qui est examiné, pour consultation, par une commission nationale d’expertise de la licence professionnelle, constituée pour trois ans et composée, à parité, de personnalités qualifiées en raison de leurs activités professionnelles d’une part, et d’universitaires, d’autre part. Cette procédure a pour objectif d’évaluer la pertinence et la qualité du projet proposé au regard de sa vocation professionnelle et du partenariat réalisé avec les professions d’une part, du niveau requis pour conférer un grade de licence, d’autre part (art. 12).
Lors de la création d’un nouveau diplôme, au terme d’un processus de concertation qui inclut notamment les partenaires sociaux, le ministère de l’Education – en l’occurrence la Direction de l’Enseignement supérieur (DES) - définit les règles de fonctionnement de la formation et les modalités de validation. La valeur nationale des diplômes garantit leur qualité et leur confère une équivalence de principe sur tout le territoire. L’exploitation des comptes rendus des débats ayant conduit à la création des licences professionnelles montre déjà que les objectifs de la nouvelle formation sont multiples : demande de qualification des professions, la demande des étudiants de formations facilitant leur insertion, la stratégie des organismes de formation, le développement local soutenu par les collectivités territoriales (D. Maillard, P. Veneau, 2003).
La licence professionnelle répond aux besoins d’une partie du système productif en mettant sur le marché du travail des techniciens ayant trois ans de formation post-baccalauréat. Elle renforce ainsi les compétences demandées traditionnellement aux techniciens massivement formés en deux ans après le baccalauréat. Cette formation consacre aussi la volonté de renforcer le caractère professionnalisant de l’enseignement supérieur. Elle se propose également de réduire le nombre de sortants de l’enseignement supérieur sans diplôme. Elle est également en conformité avec les nouveaux cursus universitaires articulés autour des niveaux licence-master-doctorat.
La construction de l’offre de formation professionnalisante résulte d’une régulation hybride associant une politique publique décidée par l’Etat central qui énonce les normes et habilite les demandes, et constructions locales relevant de modalités diversifiées qui donnent forme aux formations proposées.
Les différentes visées professionnelles trouvent leur expression dans les plaquettes de présentation du diplôme aux futurs étudiants. Certaines formations insistent sur le caractère professionnel du cursus : par exemple l’Université de Versailles propose une licence professionnelle “ Domaines Sciences et technologies mention biotechnologies, spécialité en détection de marqueurs biologiques ” ; d’autres insistent sur le caractère professionnalisant du cursus : on peut citer la licence professionnelle “ Banque ” qui répond aux besoins de polyvalence dans les métiers de conseil et de gestion de la clientèle des particuliers. Ces deux exemples illustrent des conceptions différentes de la professionnalisation de l’enseignement supérieur. Ce que souligne d’ailleurs la Cour de Comptes dans son rapport portant sur la gestion du système éducatif. La vocation de l’enseignement supérieur est de préparer à l’ensemble de la vie active et non au seul premier emploi. La construction de diplômes très spécialisés doit tenir compte du fait que la compétence acquise devra pouvoir se transférer dans toutes les situations professionnelles. Le Céreq estime ainsi que la professionnalisation des filières devrait se concevoir en termes de “ trajectoires d’emplois ” et de la transférabilité des compétences acquises.
A titre d’exemple voici pour quatre régions françaises, l’offre de formation en licence professionnelle[3] :

Diapositive n° 4

Licences professionnelles offertes, dans 4 régions, à la rentrée 2005
(Chaque option est comptée comme une licence)
Domaine de formation
Aquitaine
Poitou-Charentes
Rhône Alpes
PACA
Agriculture
13
2
20
4
Aménagement Environnement
5
1
9
4
Art
1
2
2
4
BTP
4
2
6
2
Commerce immobilier
6
11
23
9
Droit

1
2
1
Economie gestion
1
2
15
6
Enseignement
1


2
Hôtellerie restauration tourisme

4
5
6
Industrie
26
12
43
30
Information communication
3
3
12
3
Informatique
4
1
15
12
Lettres et langues




Santé
3
1
2
1
Total
67
42
154
84


Cette réflexion et les deux exemples précédents montrent les tensions qui existent entre les contenus académiques et les contenus professionnels. L’étude des maquettes montre que le choix s’articule au niveau des programmes d’enseignement et de stages entre le caractère univoque de la discipline académique vs le caractère professionnel de la formation et le caracètre multiréférentiel d’un enseignement universitaire vs le caractère professionnalisant qui permet de construire une trajectoire professionnelle.
L’étude des projets montre une diversité dans les arrangements réalisés entre organisme de formation, entreprises, collectivités territoriales. L’analyse des modalités d’ouverture des licences professionnelles permet de repérer les modes d’articulation des différentes logiques portées par les acteurs de cette construction.

III - Les coordinations à l’œuvre dans l’ouverture des licences professionnelles

Les objectifs à l’origine de l’ouverture d’une formation sont multiples et entrent parfois en tension les uns avec les autres : élévation du niveau de formation, équité, production de qualifications, accès à un emploi, aménagement du territoire mais aussi efficacité, rationalisation des moyens et maintien d’une “ masse critique ” pour permettre d’allier formation et recherche et concurrence entre les établissements.
Les travaux menés permettent d’identifier quatre type de coordinations contribuant à l’ouverture d’une licence professionnelle. de l’offre de formation professionnalisée dans l’enseignement supérieur s’appuie sur une hypothèse générale selon laquelle cette construction est le résultat de coordinations entre quatre catégories d’acteurs : les organismes de formation, les entreprises, l’Etat et les collectivités territoriales.

- Les coordinations professionnelles
On qualifie ainsi les coordinations dominées par les professionnels. Dans ce cas de figure, l’acteur professionnel peut être représenté soit par une ou quelques grandes entreprises, ou une organisation professionnelle représentative d’intérêts collectifs de la branche. C’est cet acteur professionnel qui est à l’initiative de l’ouverture de la formation et intervient dans toutes les phases de la création et du fonctionnement et, à la fin, embauche les personnes formées comme il l’a souhaité. On peut citer ici l’exemple du secteur bancaire qui a suscité l’ouverture de licences professionnelles dans différentes régions françaises, soit pour des publics en formation initiale, soit pour des publics en formation continue.
Ici, l’acception du territoire est une acception complètement instrumentale. Il s’agit d’un découpage minimisant les distances formations-entreprises. Les réseaux sont stables, formalisés et indépendants des personnes. Le statut d’apprenti donné aux étudiants consacre l’engagement des entreprises. On se rapproche ici du modèle professionnel défini notamment par l’engagement important des entreprises dans la formation (Verdier, 2001[4]).

- Les coordinations portées par une dynamique territoriale
L’ouverture d’une formation peut aussi résulter d’une dynamique locale particulière. Ces dynamiques émergent dans les antennes universitaires, IUT ou universités récentes implantées dans des villes moyennes. Elles associent collectivités territoriales, organismes de formation et entreprises. Les acteurs de ce réseau ont en commun l’objectif de développement du site, même si chacun d’eux a aussi ses objectifs propres.
1) Le souhait d’ouverture est porté souvent par une collectivité locale qui intervient dans une perspective de développement de son territoire. La formation est présentée comme une ressource nouvelle pour le territoire.
2) La création d’une formation peut aussi relever d’une dynamique locale associant plus étroitement les trois catégories d’acteurs : collectivités locales, entreprises, organismes de formation. La licence professionnelle apparaît comme un outil qui doit faire l’objet d’une appropriation collective pour résoudre un problème.

- Les coordinations dans lesquelles la logique de développement de l’offre de formation domine.
Dans ce cas de figure, l’initiative de l’organisme de formation est ici fortement dominante. Objectifs de l’organisme de formation et intérêt des enseignants se conjuguent. Cette formation nouvelle représente l’opportunité de diversifier l’offre. Si l’offre de formation en licence professionnelle s’équilibre entre celles portées par les UFR et celles portées par les IUT on peut répartir les établissements porteurs des licences professionnelles en quatre groupes selon la logique dominante sous-tendant la création d’une licence professionnelle.

1. Les établissements à vocation professionnel : inscrire les diplômes à bac+2 dans le LMD Les IUT sont représentatifs de ce groupe (on y trouve aussi les IUP, les MIAGE, etc.). Pour ces organismes, la création d’une licence professionnelle leur permet d’insérer leurs diplômes courts dans le schéma européen et de diversifier leur offre de formation. La création peut s’appuyer sur les acquis précédemment développés pour le fonctionnement des formations existantes : les relations avec les milieux professionnels existent préalablement à la création de la licence, le public ciblé est déjà dans une logique de professionnalisation.
2. Les UFR scientifiques : rester concurrentiel en captant de nouveaux publicsPour les UFR scientifiques la licence professionnelle est une ressource car c’est pour elles le moyen d’améliorer l’attraction des disciplines scientifiques vis-à-vis d’étudiants dont le nombre est en baisse régulière. La licence professionnelle permet de capter un public autre que celui des étudiants en DEUG.
3. Les UFR de gestion : une forte sollicitation des milieux économiquesL’offre de formation des UFR de gestion se différencie des autres UFR par le poids des demandes d’inscription avec le statut de formation continue. C’est dans ces filières que l’on rencontre des licences professionnelles uniquement créées sous l’impulsion d’une branche professionnelle (le secteur bancaire).
4. Les UFR littéraires et artistiques : une conception académique de la professionnalisationLa problématique des UFR littéraires et artistiques est spécifique par rapport aux autres disciplines. L’ouverture de ce type de formation représente une innovation dans la “ culture ” de l’organisme de formation en raison notamment de la faiblesse des relations préexistantes avec les milieux professionnels..
5. Coordination atypique : l’essaimage A ces coordinations idéales typique il convient d’en ajouter une nouvelle que l’on peut qualifier de logique de l’essaimage. Ce type de licence professionnelle peut aussi bien être portée par une branche professionnelle ou par un organisme de formation.

Diapositive n° 5

Typologie des modes de coordinations[5]

Coordinations portées par les professions
Coordinations portées par la dynamique de développement local
Coordinations portées par les organismes de formation professionnelle
Coordinations portées par des organismes de formation académique
Acteur dominant
Entreprises ou organisations professionnelles
Collectivités territoriales
Organisme de formation
Organisme de formation
Logique dominante
Besoins en qualification des entreprises
Développement local
Développement de l’offre de formation : étendre la carte des formations de l’établissement offrir une carte
Insertion des étudiants
Professionnalisation et validation des acquis
Territoire
Acception instrumentale du territoire. La formation est répartie sur l’espace national en fonction des besoins des entreprises
L’ouverture d’une formation est considérée comme un moyen de développement local. Le territoire est investi d’une capacité à créer des externalités positives pour ses acteurs.
La proximité géographique a souvent pu favoriser l’émergence de relations avec les entreprises, mais ce n’est pas obligatoire.
Le territoire est appréhendé comme espace de proximité
Intermédiaires
Organisation professionnelle
Eventuellement, intervention d’une structure dédiée au développement local,
Quelquefois une organisation professionnelle
Quelquefois une organisation professionnelle
Relations entreprises-organisme de formation
Relations fortes, structurées et relativement stables
Variables : établies ou éphémères en liaison avec l’existence d’une dynamique de développement local
Relations fortes, plurimodales, avec un noyau stable d’entreprises
Relations volatiles




IV - Place et rôle des porteurs de projet

La licence professionnelle demande, pour sa conception, la référence à un métier, la construction de relations avec des entreprises et parfois la coopérations entre établissements d’enseignement et/ou les collectivités locales. Son fonctionnement nécessite également la mise en place de stages tutorés pour les étudiants, l’organisation de travaux pratiques. Toutes ces tâches sont relativement éloignées de ce qu’exige un enseignement académique. Elles mobilisent, de la part de l’enseignant des capacités telles, qu’on peut le qualifier “ d’entrepreneur de formation ”, d’autant plus qu’il doit en permanence traiter avec le personnel IATOS de l’Université.
Les entretiens menés auprès des différentes porteurs de projet de licence professionnelle ont permis de faire ressortir certaines caractéristiques qui leurs sont communes. Pour plus des deux tiers des porteurs de projet – et ce quelque soit leur statut – on constate qu’ils ont eu des liens avec les milieux économiques antérieurs à leur intégration dans l’enseignement supérieur. Ces liens résultent d’une expérience professionnelle dans le secteur privé, d’une participation active dans un service de formation continue, ou bien encore de relations avec le secteur économique dans leurs activités universitaires passées.
Dans tous les cas, ces porteurs de projet ont une bonne lisibilité du secteur économique pour lequel la licence professionnelle a été créée et ils bénéficient en retour d’une reconnaissance par ces mêmes secteurs.
Les porteurs de projet ne s’inscrivant pas dans ces types de profils sont de jeunes maîtres de conférence qui conçoivent le rôle de l’enseignement supérieur d’abord et avant tout comme un moyen d’assurer l’insertion professionnelle des étudiants dans le secteur privé. Un autre cas atypique concerne de très rares exemples de professeurs d’université qui se saisissent de la licence comme d’un moyen pour maintenir leur UFR ou qui répondent à des sollicitations ministérielles[6].


Diapositive n° 6


Profils des porteurs de projet
Type 1
Type 2
Type 3
Type 4
Expérience professionnelle dans le secteur privé (généralement dans celui vers lequel la licence professionnelle est créée)
Expérience dans le cadre de services de formation continue
Appartenance un secteur de l’enseignement supérieur dont l’activité repose sur l’articulation avec les milieux économiques (UFR scientifique, IUT, IUP, etc.)
Jeune maître de conférence ayant intégré le rôle de l’université dans sa dimension insertion professionnelle


L’ensemble des interlocuteurs s’accorde pour reconnaître que le management d’une licence professionnelle nuit à leur carrière : “ c’est vécu comme un handicap, on ne peut pas publier ” ; “ enseigner en licence professionnelle c’est pénalisant pour un enseignant car tout le travail de tutorat n’est pas reconnu ”. Ceux n’exerçant pas de fonction de direction (d’un laboratoire, d’une UFR, etc.) se sentent “ satellisés ” par rapport à des trajectoires de carrières plus académiques. Pour eux, il y a une tension au sein même de l’université entre les formations académiques (conçues pour construire des savoirs) et les formations professionnalisantes (conçues pour assurer une insertion professionnelle aux étudiants).


Conclusion

Dans son rapport sur “ l’insertion professionnelle des jeunes issus de l’enseignement supérieur ” en date de juin 2005, le Conseil Economique et Social préconise lui aussi de renforcer la dimension professionnelle de la formation supérieure en développant les formations par alternance et l’apprentissage, en renforçant les relations entre entreprises et système de formation, en développant les stages.

La poursuite de la mise en œuvre de cette politique nécessite d’être vigilant sur les points suivants qui apparaissent après quelques années de mise en place :
- On constate une dispersion et manque de lisibilité de l’offre de formation,
- les diplômes professionnalisants ont été créés par des enseignants qui sont de véritables “ entrepreneurs ” de formation. Si ces choix d’orientation de carrières sont validés par le collectif et se présentent pour les porteurs de projet comme une latitude d’action, force est de constater que le système universitaire continue de favoriser des trajectoires d’enseignants-chercheurs au profil académique au détriment des enseignants-chercheurs ayant un profil d’entrepreneur.
- La définition des statuts des intervenants non universitaires induisent un dispositif qui manque d’équipes pédagogiques structurées
- Certains étudiants accumulent les diplômes professionnalisant non pas pour une insertion professionnelle rapide mais pour accéder à une poursuites d’études
- Faute d’une politique d’établissement voire de site affirmée, le recrutement dans ces filières professionnalisantes privilégie souvent les étudiants déjà formés aux matières techniques.

Si les efforts de professionnalisation des formations ont été importants, il faut veiller à préserver les articulations entre formation générale vs formation professionnalisant et formation académique vs formation professionnelle ainsi que formation professionnelle vs formation professionnalisante : cette articulation pourrait définir une formation qualifiante à l’emploi tout au long de sa vie.

Bibliographie
C. Agulhon, “ Expertise et Coopération en éducation Formations et construction d’un groupe professionnel ” Rapport pour la Mission scientifique universitaire, MEN, 2001.
M. Bel, L. Gayraud et G. Simon, “ Professionnalisation de l’enseignement supérieur et territoire ”, Rapport d’études, 2005.
A. Jeannel, “ Entre sciences de l’éducation et du politique : les enseignements théoriques des pratiques locales de formation ”, in Les régions et la formation professionnelle, dir. T. Berthet, 1999, p. 183-202.
D. Maillard., P. Veneau, “ Licence professionnelle : une nouvelle acception de la professionnalisation au sein de l’université ? ” , in G. Felouzis (éd.), Les mutations actuelles de l’Université, PUF, 2003.
E. Verdier, “ La France a t-elle changé de régime d’éducation et de formation ? ”, Formation-Emploi, n°76, Céreq, dif. La documentation française, 2001.



[1] M. Bel, L. Gayraud et G. Simon, “ Professionnalisation de l’enseignement supérieur et territoire ”, Rapport d’études, 2005, p. 25.
[2] D’après les données de la DPD, alors qu’en 1990 on comptait 20 000 jeunes en DEA pour 12 000 en DESS, en 1999 les proportions s’inversent, 28 800 jeunes en DESS pour 23 500 en DEA.
[2] C. Agulhon, 2001, “ Expertise et Coopération en éducation Formations et construction d’un groupe professionnel ” Rapport pour la Mission scientifique universitaire, MEN.
[3] M. Bel, L. Gayraud et G. Simon, “ Professionnalisation de l’enseignement supérieur et territoire ”, Rapport d’études, 2005, p. 58.

[4] Verdier E., 2001, “ La France a t-elle changé de régime d’éducation et de formation ? ”, Formation-Emploi, n°76, Céreq, dif. La documentation française.
[5] M. Bel, L. Gayraud et G. Simon, “ Professionnalisation de l’enseignement supérieur et territoire ”, Rapport d’études, 2005, p. 83.

[6] Il s’agit par exemple, de la demande expresse d’un ministère, comme c’est la cas pour la licence Design : communication, projet de l’université de Michel de Montaigne de Bordeaux, sollicitation motivée par le désir d’inciter la structure de formation à plus d’ouverture sur son environnement.